CONTACTS
Direction artistique artistique@theatresuivant.fr
Administration administration@theatresuivant.fr
Tél. 01 30 96 96 23
Fax. 01 30 96 96 30
Siège social
Théâtre Suivant
Mairie - 19, place Saint-Christophe
78117 Châteaufort
Adresse postale / locaux de la compagnie temporairement installés à
Médiathèque du Canal
Bruissements - la Revue
Quai François Truffaut - BP 607
78056 Saint-Quentin-en-Yvelines cedex
Théâtre Suivant est une association loi 1901
Siret 384 851 093 00045
Licences 2-1047059 3-1060835
PARTENAIRES
Les Bruissements
2011/12
Communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, réseau des médiathèques de Saint-Quentin-en-Yvelines, la Ferme de Bel Ebat / théâtre de Guyancourt, rectorat de Versailles, Centre National du Théâtre, Maison Antoine Vitez / centre international de la traduction théâtrale, la Maison d'Europe et d'Orient, ville de Guyancourt
Résidence d’écrivain 2010 / Dorcy Rugamba
Conseil régional d'Ile-de-France, ville de Trappes, médiathèque Anatole France / Trappes, Maison de la Poésie à Saint-Quentin-en-Yvelines, Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation des Yvelines (SPIP) / Maison d’arrêt de Bois d’Arcy
Les Ateliers Urbains
La ville de Montigny-le-Bretonneux, maison de quartier André Malraux / Montigny-le-Bretonneux
CRÉDITS
Webdesign et développement : Minyin Tu, Meddy Messaoudi, Mélanie Even
Affiches Grand bruit 2010, 2011, 2012 et 2013 Mélanie Even
Affiche Grand bruit 2009 Pierre Antoine Thierry
Photo Grand bruit 2012 Homme-bulle, 2006 © Emilio López-Menchero, avec l’aimable autorisation de la galerie Nadja Vilenne, Liège
Les bruissements de la langue est une formule empruntée à Roland Barthes in Le bruissement de la langue - Editions Points.
LIENS
- Centre National du Théâtre - www.cnt.asso.fr
- Réseau des médiathèques de Saint-Quentin-en-Yvelines - www.mediatheques.agglo-sqy.fr
- Maison Antoine Vitez / Centre international de la traduction théâtrale - www.maisonantoinevitez.com
- Collectif Inouï - www.collectif-inoui.org
- La Ferme de Bel Ebat / théâtre de Guyancourt - www.lafermedebelebat.fr
- Editions Théâtrales - www.editionstheatrales.fr
- Nicolas Guadagno - http://nicolasguadagno.com
- ArchiPass - http://www.myspace.com/archipass
- La Friche des Lacs de l'Essonne - http://www.amin-theatre.fr/fr/
SOMMAIRE
BRUISSEMENTS
Édito
Un grand metteur en scène berlinois a rappelé récemment* que "Brecht demandait à ses comédiens de se confronter au réel, d'assister à des audiences judiciaires, de s'immerger dans les usines afin de rendre compte en connaissance de cause de leurs contemporains". Il faudrait selon lui retrouver des pratiques analogues, sous peine du délitement du « pacte qui lie le théâtre aux enjeux politiques et sociaux de son temps ».
Le lancement de Bruissements - revue thématique en ligne - se situe, toute proportion gardée dans cette dynamique. Car les "Bruissements" consistaient jusqu'ici à faire circuler des pièces de théâtre encore inédites dans les médiathèques où s'animaient des comités de lecture, puis sur scène. L'idée était de mettre plus de théâtre dans la vie des gens, dans le sens de mieux nous percevoir nous-mêmes, de mieux comprendre notre réel, grâce au regard des auteurs. Faire circuler, mettre de l'air dans nos représentations de la vie, de l'appétit d'être et d'agir, armer en pensée.
Les comités de lecture se sont donc transformés en comités de rédaction. Chaque numéro de Bruissements s'articulera autour d'une thématique. Nous commençons avec la migration illégale, la traversée des frontières, qui est un phénomène massif de notre temps, bouleversant autant les pays de départ que les pays d'accueil. Ce choix est directement lié à la dernière création de la compagnie Théâtre Suivant, Un qui veut traverser, porteuse des "Bruissements". Ainsi ce ne sont pas seulement les acteurs qui se confrontent au réel soulevé par la fiction, mais toute une population.
Enquêter, rencontrer, photographier, dessiner, écrire, enregistrer, se documenter sur les migrants et le phénomène migratoire…voilà ce qu'a entrepris le comité de rédaction réuni dans le réseau des Médiathèques de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Autrement dit.... Devenez les médias !
Marc Soriano
* Thomas Ostermeier dans le Monde Diplomatique d'avril 2013 "du théâtre par gros temps"
DITES-NOUS
ÉLOGE DE L'HOSPITALITÉ
Par Etienne B.
Au moment où je rédige ce billet, que Télérama m’a demandé pour conclure son passionnant dossier sur les « Figures de l’étranger », les images embarrassantes, insupportables, des barques atterrissant sur les plages de Lampedusa avec leurs chargements de « boat people » en provenance de Tunisie, de Libye, et de plus loin encore, occupent les écrans de télévision sans fin prévisible. Après Madame Le Pen, c’est Silvio Berlusconi qui se rend sur place, promettant la déportation aux réfugiés et le Prix Nobel aux habitants qui n’en demandaient pas tant… Les gouvernements européens, qui avaient sous-traité aux dictatures d’Afrique du Nord la « régulation » brutale de ces flux, observent, comme on dit, un silence assourdissant. Italiens, débrouillez-vous. Africains, mourez ou rentrez chez vous le fusil dans les reins.
Si l’on a quelque honnêteté intellectuelle, de telles situations interdisent tout discours bien-pensant. Me risquerai-je alors, comme je l’avais proposé, à faire l’éloge de l’hospitalité, voire de cette hospitalité « inconditionnelle » que mon maître et ami, le philosophe Jacques Derrida, dans des essais désormais célèbres, avait définie comme la forme même de la démocratie, et donc de la politique à venir ? Cette hospitalité qui nous demande d’accueillir l’étranger, non seulement comme un « semblable » ou un « frère », mais comme un égal avec qui construire la « maison commune » de nos droits et de nos projets ? Eh bien oui, en dépit des difficultés dont j’ai une conscience aiguë. Et cela pour trois raisons.


LE SAC EST UN MYSTERE
Par Juliette Garcia
Quand on part, que prend-on ?
Cette question on se la pose pour la valise des vacances.
Mais quand on part vraiment ? pour construire sa vie ailleurs… que prend-on ?
Emmène-t-on seulement des choses utiles ou aussi des objets-fétiches ?
Prend-on tout ce que l'on peut, quitte à en laisser en chemin, ou voyage-t-on léger dès le seuil de la porte ?
Je serais bien en peine de répondre à cette question, moi qui transporte toujours “ma maison” avec moi, telle une tortue !
Moi qui m'encombre tant que tout déménagement devient un enfer !
Je suppose que cela dépend si le départ est précipité ou minutieusement préparé.
Quelqu'un raconte qu'une femme migrante n'avait rien emporté avec elle qu'un rouge à lèvres : sa féminité.
J'ai remarqué dans beaucoup de témoignages ...
PRAGMATISME OU ABANDON ?
Par Violette Soriano
“Le but de ce guide est de te donner quelques conseils pratiques qui pourraient être utiles au cas où tu aurais pris la décision difficile de rechercher de nouvelles opportunités d’emploi hors de ton pays”
Certains mouvements politiques modernes parlent d'un système qui serait plus proche de ce que l'on appelle le “sens commun” ou le “pragmatisme”. En effet, on pourrait se demander pourquoi tout doit toujours être compliqué lorsqu'on en vient à la politique. L'Afrique a besoin de nourriture, nous en avons trop, le problème devrait être simple, mais il ne l'est pas. La première fois que j'ai été confrontée au « Guide du migrant », publié en 2004 par le gouvernement Mexicain, j'ai pensé qu'il pourrait être le résultat d'une nouvelle sorte de politique pragmatique qui aiderait les citoyens à arriver sains...

REGARDS
ETRANGERS UNE OBSESSION EUROPEENNE
Par E.Balibar
Crise économique, montée des extrêmes-droites, durcissement des politiques d’immigration, débats publics stigmatisant les réfugiés, les « clandestins », les immigrés, les Roms, les musulmans... au nom d’identités nationales menacées. Sale temps pour les étrangers, fussent-ils citoyens français ou européens. Face à cette vague inquiétante de xénophobie, il s’agit de remettre en question la façon dont nous traçons les frontières entre « nous » et « les autres ».
Qui est « notre » étranger, a-t-il changé au cours du temps, pourquoi est-il de plus en plus considéré comme un ennemi ? Le numéro Télérama Horizons « Etrangers, une obsession européenne » (en kiosque le 27 avril) a convié historiens, philosophes, sociologues, écrivains à répondre. C’est au philosophe Etienne Balibar qu’est revenu la mot de la fin, sous la forme d’une réflexion lucide et salutaire sur l’hospitalité. L’Etranger est un thème cher à l’esprit de ce polyglotte, farouchement européen. Né en 1942, entré au parti communiste (dont il fut exclu en 1981) au moment de la guerre d’Algérie, cet intellectuel pense le monde au présent. Engagé de longue date auprès des sans-papiers, contempteur éclairé de la récente stigmatisation des Roms, Etienne Balibar défend une Europe politique où tout citoyen, étranger compris, aurait enfin le droit de cité.


C'EST QUOI UNE UTOPIE ?
Par Tatiana Kuhlmann
C'est un animal ? C'est quelque chose d'irréel C'est une toupie qui roule tout le temps…
[ Evelina interroge sa tante Fabienne qui a été interprète au HCR auprès des migrants arrivant à Hong-Kong]
- Evelina : Une utopie, ça vient du grec « u » qui veut dire « sans » et « topos » qui veut dire « lieu », ça veut dire « sans lieu ». C'est quelque chose qu'il y a dans la tête, qui n’existe nulle part. C'est comme un rêve inaccessible. On parlait des raisons...
REPERES
CHIFFRES, DATES, LEXIQUE
Par Thibault Lambert*
72,4 millions de personnes dans le monde sont des migrants forcés, soit plus d'un habitant sur 100.
Qu’est ce qu’un « migrant forcé » : une personne déplacée par un conflit armé, une crise politique, la violence ou une catastrophe, mais aussi par les changements climatiques et les projets de développement.
98,5 le pourcentage des demandeurs d’asile LGBTI (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transgenres et Intersexués) déboutés en première instance au Royaume-Uni. Ce chiffre s’élève à 76% pour l’ensemble des demandeurs d’asile.
Source : Rapport sur les catastrophes dans le monde 2012 de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge
88 millions d’euros le budget 2011 de Frontex (chastement appelée Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l'UE). Il était de 6 millions d’euros en 2005, soit une multiplication par 15 en 6 ans.
Pour nuancer – un peu – l’agence Frontex s’émancipe progressivement du prêt de matériel et de la mise à disposition des moyens humains que lui accordaient jusqu’ici les pays membres de l’Union. Elle devra par exemple à l’avenir acheter puis entretenir ses matériels et salarier ses personnels. Ceci explique en partie cela.
On peut toutefois s’inquiéter de son autonomisation financière, avec comme seule garde-fou un parlement européen qui veille (distraitement ?) au grain, définissant ses missions, son budget mais bien peu regardant sur une sous-traitance massive et la privatisation rampante d’une compétence autrefois dévolue aux États.
Source : Parlement Européen
3141 km la distance de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Vous partirez de Tijuana à l’Ouest pour arriver à Matamoros (!) en bordure du Golfe du Mexique.
Hypothèse n°1 : vous n’avez pas les papiers nécessaires pour passer la frontière avec les USA. Vous mettrez 1 jour 8 heures et 56 minutes pour rallier les deux villes, parcourrez 2 555 km dont 404 sur voies rapides, le tout avec une voiture de taille moyenne.
Hypothèse n°2 : vous avez des papiers pour passer la frontière avec les USA (et revenir au Mexique). Vous mettrez 1 jour et 34 minutes, parcourrez 2511 km dont 2325 sur voies rapides, avec la même voiture que dans l’hypothèse 1.
Pour la même destination vous passerez – si vous êtes en règle – 8h de moins sur la route en passant par les USA (-25% de temps de trajet).
Ce n’est pas pour emprunter les autoroutes et arriver plus tôt sur la façade atlantique que les mexicains – ou plus généralement les sud-américains – traversent illégalement la frontière avec les États-Unis. Et la densité des infrastructures routières est un indice de développement discutable. Mais vous pouvez légitimement estimer que vous êtes du mauvais côté de la barrière quand les comparaisons avec votre voisin se multiplient et qu’elles aboutissent invariablement à la même conclusion.
Source : Mappy - 24 novembre 2012


ÉCRITS


CLANDESTINS
Par Alain Landais*
Il se souvient de son village où la terre est retournée à la poussière. La pluie est devenue un conte pour endormir la douleur, d'un autrefois, d'un âge d'or.
Les vestiges des sillons se devinent encore. Trace des champs d'autrefois. retournant au désert. Un soc de charrue est emprisonné dans la gangue de poussière.
Un autre se remémore la liberté, la démocratie. Un luxe pour nantis, pour ceux du Nord.
Le grand Libérateur est devenu un tyran derrière les vitres blindées de la limousine qui traverse à tombeau ouvert les villages. Les élections sont libres, pas les âmes.
Il faut fuir, prendre le chemin. La transhumance sur la piste défoncée, avec comme bagage la mémoire de la terre d'origine. Un bateau les attend sur une plage. Le passeur regarde les proies arriver. Ils ont quelque chose qui l'intéresse.
La plage, c'est son territoire, un no man's land sur lequel on ne s'aventure pas par hasard. La clientèle est captive. Il aime son métier. Il sonde les âmes en partance mais ne s'abandonne jamais à la pitié.
Lui, il ne fait pas dans le sentiment. C'est un pragmatique. Pauvre parmi les pauvres, pas question ! Il faut profiter de la misère et si ce n'était pas lui...
Eux, ils viennent des terres. Ils n'ont jamais vu de bateau. Ils ne savent pas qu'ils s'y serreront agglutinés, peau contre peau, sueur contre sueur. La nuit, il faut attendre... comme seul repère la vague d'écume qui se désintègre sur le rivage.
Il y a des patrouilles au large. S'échapper d'ici est un crime, une faute.
L’odeur de la terre se délite dans la nuit. Les vapeurs lourdes du gasoil se mélangent à la brise saline. En d'autres temps et sur une autre embarcation, ce serait une croisière...
LE LATIN THERAPEUTIQUE
Par Lise-Noëlle Lauras*
Mina se précipite sur le professeur.
-La professeuse de Latin, c’est vous ? »
-C’est bien moi ! »
La jeune fille reluque le professeur avec insolence. Le professeur ignore son jeu.
-Bien Mademoiselle, je vous vois tout –à -l’heure.
- Ouinf ! C’est c’qu’on verra ! Profère Mina devant son aréopage de bonnes copines.
Le professeur a entendu, mais elle est subitement devenue sourde. Elle compte les minutes qui lui restent avant le moment de prendre sa classe et affronter la rebelle.
A la sonnerie, elle pose un masque de sévérité sur son visage, rassemble les élèves, curieux de découvrir une discipline nouvelle avec un professeur qui dénote à leurs yeux.
-Vous êtes vieille Madame !
- Tu penses, j’aurai bientôt 150 ans !
- Oh ! C’est pas vrai, pas possible !
-Si, si, je fais très jeune. Une chance, non ?
Le petit groupe rit en la suivant dans les couloirs de l’escalier. Mina a disparu. Arrivés devant la porte, pas de Mina. Le professeur installe ses élèves, envoie un délégué de classe chez le Conseiller Principal d’Education qui lui amène une Mina crachant son venin.
-Moi, de toutes façons le Latin, ce vieux truc pourri, j’en veux pas.
-Assieds-toi devant !
-Où ?